
Épisode 2 : L’Appel des Ancêtres
Branoc retint son souffle. Devant lui, deux roches dressées verticalement étaient fichées dans le sol. Elles étaient légèrement plus hautes que lui et semblaient marquer un passage. Trois dalles de pierre reposaient au sol, l'une au centre des menhirs, les deux autres de chaque côté. L’ensemble évoquait le seuil d’une demeure.
Une brume légère flottait entre les pierres levées et, plus en retrait, semblait s’épaissir. Des signes géométriques étaient gravés sur la roche : spirales, lignes droites et ondulées, ainsi que des inscriptions dans l’alphabet gaulois.
Un murmure profond surgit des entrailles mêmes de la terre, résonnant à travers le tumulus comme un écho venu d’un autre âge. Étrangement, la brume réagissait à chaque vibration sonore, pulsant et se condensant à mesure que les mots s’élevaient. Les ombres des pierres dansaient autour de Branoc, projetées sur le sol par la lumière de la torche qu’il tenait. Tout autour du tumulus, la brume s’élevait doucement depuis des fossés gorgés d’eau, traçant comme un cercle magique et créant un véritable sanctuaire intemporel.
Puis une voix, plus nette, se fit entendre.
— “Qui ose troubler le cercle des ancêtres ?”
Le jeune initié sentit son cœur cogner fort contre sa poitrine. Il jeta un regard au bas du tumulus, en direction de Segomaros. Plus personne n’était là. Le vieux druide s’était retiré dans l’ombre des bois, le laissant seul face à l’invisible.
— “Je suis Branoc, fils d’Ordos, forgeron des Nitiobriges. J’ai été envoyé pour entendre la parole des anciens.”
Un silence pesant s’installa. Seuls les bruits nocturnes de la forêt du Nemus Castelionesium emplissaient l’air : le hululement d’une chouette, le craquement d’une branche sous la patte d’un animal furtif, le bruissement du vent dans les frondaisons. Mais au-delà de ces bruits familiers, d’autres sons, plus graves, semblaient résonner dans la forêt, provenant de plusieurs directions à la fois. Des voix profondes, presque irréelles.
Soudain, une brise glaciale s’infiltra entre les pierres et caressa le visage du jeune homme. Elle semblait émaner du seuil, portée par la brume qui masquait encore l’autre côté du passage.
Les Nitiobriges croyaient que l’âme des défunts voyageait vers l’Autre Monde, un royaume où les héros festoyaient aux côtés des dieux. Mais certains esprits restaient prisonniers des lieux où ils avaient péri, incapables de franchir le seuil sacré. Branoc le savait, et l’idée d’être face à l’un d’eux fit naître en lui une crainte sourde qu’il peinait à contenir.
Ses yeux de chair ne voyaient encore personne, mais tout son être percevait une présence multiple au-delà du passage. Il ne regardait pas seulement avec ses yeux, mais avec son âme.
Soudainement, le sol trembla sous ses pieds.
La brume vibra, modifiant son rythme, et un bruissement étrange, semblable à celui d’un essaim d’abeilles, emplit l’air. Un son vibrant, semblable à celui qui précède l’impact de la foudre.
Branoc fit un pas en avant, attiré par cette pulsation invisible. À la lueur tremblotante de sa torche, il distingua sur la dalle moussue des symboles gravés : des cercles entrelacés, la silhouette stylisée d’un sanglier – l’animal totem du clan – et des inscriptions qu’il ne parvenait pas à déchiffrer.
— “Le passage des âmes…” murmura-t-il.
Il comprit alors qu’il faisait face à l’un des portails oubliés. Ces portes mystérieuses ouvraient sur les mondes sacrés des Nitiobriges. Certaines menaient aux vergers immortels, d’autres aux grottes profondes, sanctuaires des âmes, où les vivants trouvaient refuge lors des guerres contre les légions romaines ou les envahisseurs du Nord.
Les présences de l’autre côté semblaient s’intensifier.
Dans la brume, Branoc aperçut une silhouette irréelle, comme un reflet dans l’eau, qui lui tendait la main à travers le passage. Un souffle frais, chargé d’un parfum inconnu, effleura son visage.
— “Écoute… l’histoire des vaincus…”
Branoc sentit ses jambes fléchir sous l’émotion.
Tremblant, il tendit sa main à travers le rideau de brume. Il sentit alors une autre main, ferme et glacée, saisir la sienne.
L’esprit s’adressait à lui.
Il n’était plus un simple initié. Il était devenu l’interlocuteur d’un passé oublié.
Sans y réfléchir davantage, il fit un pas de plus.
L’instant d’après, la forêt s’évanouissait autour de lui.
À suivre…
Dans le prochain épisode :
➡ Qui sont les esprits prisonniers du tumulus ?
➡ Quelle histoire veulent-ils transmettre ?
➡ Branoc osera-t-il s’aventurer dans cet autre-monde ?
🔮 Ne manquez pas la suite !
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