Livres sacrés hermétistes, Extrait
TRAITÉ 9 - DE LA PENSÉE ET DE LA SENSATION – LE BEAU ET LE BIEN ABSOLUS SONT EN DIEU ET NULLE PART AILLEURS Hier, ô Asclépios, j'ai fait connaître mon « Discours Parfait ». Maintenant je crois nécessaire de le faire suivre d'un autre et t’exposer la doctrine de la perception par les sens. Une différence paraît exister entre la sensation et la pensée (l’intellection ; en grec : Noèsis) : la première est matérielle et la seconde immatérielle. Chez l'homme la pensée est unie à la nature. La pensée diffère du Noûs comme la divinité diffère de Dieu. La divinité naît de Dieu, la pensée naît du Noûs. Elle est sœur de la parole et l'une sert d'instrument à l'autre. Toute parole exprime une pensée et toute pensée se manifeste par la parole. La sensation et la pensée ont donc dans l'homme une influence réciproque et sont indissolublement unies. Il n'y a pas de pensée possible sans la sensation, ni de sensation sans la pensée. On peut cependant supposer une pensée sans sensation, comme les images fantastiques qu'on voit en songe. Cependant il me semble que les deux actions se produisent dans le rêve et que la sensation excitée passe du sommeil à l'état de veille. L'homme se compose d'un corps et d'une âme. Quand les deux parties de la sensation sont d'accord, alors s'exprime la pensée conçue par le Noûs. Car le Noûs conçoit toutes les pensées : les bonnes lorsqu'elle est fécondée par Dieu, les autres sous quelque influence Daïmonique inférieure. Aucune partie du monde n'est vide de Daïmons. Je parle de Daïmons séparés de Dieu. Celui qui entre en nous y sème le germe de sa propre énergie. Le Noûs, recevant ce germe, conçoit les adultères, les meurtres, les parricides, les sacrilèges, les impiétés, les oppressions, les renversements dans les précipices et toutes les autres œuvres des mauvais Daïmons. Les semences de Dieu, peu nombreuses, mais grandes, belles et bonnes, sont la vertu, la tempérance et la piété. La piété est la connaissance de Dieu. Celui qui la possède est rempli de tous les biens. Il conçoit des pensées divines et différentes de celles de la foule. C'est pourquoi ceux qui sont dans la Connaissance ne plaisent pas à la foule et la foule ne leur plaît pas. On les croit insensés et on se moque d'eux. Ils sont haïs et méprisés. Ils peuvent même être mis à mort car, comme nous l'avons dit, la méchanceté habite ici-bas. Mais l'homme pieux est au-dessus de tout par la possession de la Connaissance. Tout est bon pour lui, même ce qui serait mauvais pour les autres. Ses méditations rapportent tout à la Connaissance et chose merveilleuse, seul il change les maux en bien. Mais revenons à mon discours sur la sensation. L'union intime de la sensation et de la pensée est le caractère de l'homme. Tous les hommes, comme je l’ai dit, ne jouissent pas du Noûs. Les uns sont attachés au matériels tandis que les autres s’attachent à l’immatériel, à l’essentiel. Les méchants sont uniquement tournés vers le matériel et reçoivent des Daïmons la semence de leurs pensées. Ceux qui unissent leur essence avec le Bien sont illuminés par le divin. Dieu est le créateur de toutes choses et fait toutes ses créations semblables à lui, mais ces créations bonnes sont parfois stériles. Le mouvement du monde fait naître des productions diverses, les unes souillées par le mal, les autres purifiées par le bien. Le cosmos, ô Asclépios, possède une partie immatérielle et matérielle. Cette dernière n’est pas semblable à celle de l'homme, ni aussi variée, mais supérieure et plus simple. Le monde n'a qu'un objectif : créer toutes choses et les faire rentrer en lui-même. Il est l'instrument de la volonté de Dieu et son rôle est de recevoir les semences divines, de les conserver, de produire toutes choses, de les dissoudre et de les renouveler. Comme un bon laboureur de la vie, il renouvelle ses productions en les transformant, il engendre toute vie, il porte tous les êtres vivants, il est à la fois le lieu et l'ouvrier de la vie. Les corps diffèrent quant à la matière : les uns sont formés de terre, les autres d'eau, d'autres d'air, d'autres de feu. Tous sont composés, mais les uns le sont davantage, les autres sont plus simples. Les premiers sont plus lourds, les seconds plus légers. La rapidité du mouvement du monde produit la variété des genres. Sa respiration fréquente étend sur les corps des attributs multiples avec la plénitude uniforme de la vie. Dieu est le père du monde, le monde est le père de ce qui est en lui. Le monde est le fils de Dieu, ce qui est dans le monde lui est soumis. C'est avec raison qu'on appelle le monde « Cosmos », du grec « Cosméo », orner, car il orne tout et met tout en ordre par la variété des espèces, la vie inépuisable, l'activité constante, la nécessité du mouvement. La combinaison des éléments et l'ordre des créations. On doit donc l'appeler « Cosmos », c'est le nom qui lui convient. Dans tous les animaux, la sensation et la pensée viennent du dehors, du milieu ambiant. Le monde l'a reçue une fois pour toute à sa naissance. Il la tient de Dieu. Dieu n'est pas privé de sentiment et de pensée, comme le croient quelques-uns. C'est un blasphème de la superstition. Tout ce qui existe, ô Asclépios, est en Dieu, produit par lui et dépendant de lui. Ce qui agit par les corps, ce qui meut par l'essence animée, ce qui vivifie par l'esprit, ce qui sert de réceptacle aux créations mortes, tout cela est en Dieu. De plus je ne dis pas seulement qu'il contient tout, mais que véritablement il est tout. Il ne tire rien du dehors, il fait tout sortir de lui. Le sentiment, la pensée de Dieu, c'est le mouvement éternel de l'univers. Jamais en aucun temps il ne périra un être quelconque, c'est à-dire une partie de Dieu, car Dieu contient tous les êtres, rien n'est hors de lui et il n'est hors de rien. Ces choses, ô Asclépios, sont vraies pour qui les comprend. L'ignorant n'y croit pas, car le Noûs est la foi. Ne pas croire c'est ne pas comprendre. Ma parole atteint la vérité. L'intelligence est grande et peut, lorsqu'on lui montre la route, arriver à la Vérité. Lorsqu'elle médite sur toutes les choses, les trouvant d'accord avec les interprétations de la parole, elle croit et se repose dans cette foi bienheureuse. Ceux qui comprennent les paroles divines ont la foi et ceux qui ne les comprennent pas sont incrédules. Voilà ce que j'avais à dire sur les sens et la pensée.